Importante assemblée patriote à Saint-Hermas

 

La mobilisation patriote dans le comté des Deux-Montagnes est d’abord l’affaire de son Comité permanent de comté. Tout au cours de l’été et de l’automne 1837, ce comité de comté se réunit à une dizaine de reprises afin de prendre en considération l’état du pays. Sa troisième séance se tient à Saint-Hermas le 16 juillet 1837. Lors de se rassemblement, plusieurs sujets chauds sont abordés.

            C’est Laurent Aubry qui est appelé à la présidence de l’assemblée. Le notaire de Saint-Benoît Félix-Hyacinthe Lemaire dit Saint-Germain agit quant à lui au poste de secrétaire. Plusieurs personnes sont présentes, provenant des paroisses de Saint-Hermas, Saint-Benoît et Sainte-Scholastique, dont Pierre Danis, Jean-Baptiste Dumouchel, Jacob Barcelo, Jacques Dubeau, Noël Duchesneau, Luc-Hyacinthe Masson et Paul Brazeau.

            L’assemblée patriote fait d’abord la lecture de la proclamation du gouverneur Gosford au sujet de l’interdiction de la tenue d’assemblées publiques dans les divers comtés de la province. On y fait ensuite la lecture de l’ordre général de milice en date du 21 juin, ordonnant aux officiers des bataillons de milice de lire cette proclamation aux hommes de leur compagnie respective lors de la revue annuelle du 29 juin.

            Le rassemblement rend ensuite publique une lettre d’Ignace Raizenne, notaire de Saint-Benoît et lieutenant-colonel du 3e bataillon de milice dudit comté, en date du 24 juin, et ce en réponse à l’ordre général de milice. Raizenne y explique les raisons pour lesquelles il a refusé d’exécuter ledit ordre. En soi, cette lettre est extraordinaire, et démontre un homme d’une vivacité et d’une indépendance d’esprit hors du commun. Raizenne dit notamment, en s’adressant au gouverneur : « Peut-on attendre d’un homme qui se respecte, d’un vieux serviteur du roi, sans tache jusqu’à ce jour, qu’il va ainsi aller souiller ses cheveux blancs, se flétrir lui-même et flétrir ces hommes que le peuple honore et appuie, aux yeux de ce même peuple et au mépris de la bienséance et de la morale publique ? » Plus loin, l’auteur poursuit sur un ton ferme : « D’ailleurs il n’y a pas que les habitants des campagnes et les ouvriers des villes qui sont peuple. Tout ce qui n’est pas gouvernement est peuple : je suis du peuple; et j’ai assez d’expérience et de connaissances pour ne pas me laisser séduire, comme j’ai assez d’honnêteté pour ne pas séduire moi-même. » Il conclut enfin sa lettre en disant au gouverneur Gosford : « Je vous prie d’assurer en même temps son excellence que j’apprécie trop l’avantage d’être un vrai sujet de sa majesté britannique pour compromettre, comme officier de milice, mes droits inaliénables de citoyen. »

            L’assemblée lit ensuite de l’ordre général de milice dans lequel on dit que le gouvernement, « se dispensera à l’avenir des services de ce monsieur comme lieutenant-colonel commandant le 3e bataillon du comté des Deux-Montagnes, vu la désobéissance au dit ordre général du 21 ultimo ».

Puis, l’assemblée adopte unanimement quelques résolutions dans le but de réitérer son appuie indéfectible en ses représentants et notamment en la conduite du notaire Raizenne. Tout d’abord, l’assemblée dit haut et fort que la dite proclamation visant à interdire la tenue d’assemblées publiques est « un acte attentatoire aux libertés et aux droits des sujets Canadiens de sa majesté, et qu’elle comporte des avancés calomnieux, insultants et outrageants pour les citoyens qui ont pris part aux assemblées publiques […] ». Les gens présents à cette troisième séance du Comité permanent du comté des Deux-Montagnes approuvent unanimement les agissements d’Ignace Raizenne, « de sa conduite ferme, honorable et patriotique en cette occasion ». L’assemblée dénonce évidemment la destitution de Raizenne en la qualifiant d’« acte arbitraire du même genre que ceux qui ont fait mépriser et détester l’administration tyrannique de lord Dalhousie, et dont les habitants de ce comté ont eu particulièrement à souffrir ».

Les éditeurs de La Minerve émettent eux aussi leur opinion au sujet de la destitution de Raizenne de son grade de lieutenant-colonel : « Sa destitution est une gloire pour lui, un honneur pour le pays qui possède un si bon et si brave citoyen et une honte pour le gouverneur qui a recours à des moyens si viles pour soutenir une administration chancelante et visible ».

L’assemblée de Saint-Hermas fait enfin lecture d’une proclamation du gouvernement qu offre une récompense de 100 £ pour l’appréhension de ceux qui ont déchargé « un fusil ou autres espèces d’armes à feu, chargées à balles et à postes » dans « la maison de résidence d’Eustache et de Joseph Cheval ».

En soit, une assemblée fort importante dans l’agenda politique des patriotes des Deux-Montagnes. Nullement inquiétés par la proclamation du gouverneur interdisant les assemblées populaires, les patriotes du comté des Deux-Montagnes multiplieront leurs rassemblements et réunions jusqu’à la mi-novembre 1837; moment où la radicalisation politique passera à la résistance armée.

 

RÉFÉRENCES

La Minerve, 20 juillet 1837.

The Vindicator, 25 juillet 1837. 

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