Grégoire Féré

Grégoire Féré fait parti de l’une des principales familles bourgeoises de Saint-Eustache. Il naît d’ailleurs en ce lieu le 5 octobre 1792 et y est baptisé le lendemain. Il est le fils de Jean-Baptiste Féré, fortement impliqué au sein du syndic local et de la mobilisation réformiste de 1827, et de Marie-Josèphe Bouchard-Lavallée. Il est donc par le fait même le frère aîné de l’arpenteur patriote Émery Féré. Le 26 février 1838, il épouse à Montréal Julie Dupras, veuve de François-Xavier Dubord-Latourelle.

Féré passe vraisemblablement les premières années de sa vie au cœur du village de Saint-eustache. Il s’établit sur la Grand-rue (actuelle rue Saint-Eustache) et possède un emplacement sur la côte du Lac. Les recensements de 1842 et 1851 nous confirment d’ailleurs qu’il demeure à cet endroit jusqu’à la fin de ses jours.

Le cultivateur aisé qu’est Féré est fortement impliqué au niveau de la milice locale. Le 25 avril 1814, il reçoit sa commission d’enseigne au sein du premier bataillon de la milice d’élite incorporée du Bas-Canada, sous les ordres du lieutenant-colonel Louis Irumberry de Salaberry. Il est toutefois licencié en mars 1815. Son nom figure ensuite parmi les miliciens du premier bataillon du comté du Lac des Deux-Montagnes en 1834. Il y occupe le grade de capitaine tandis que son frère est quartier-maître dans l’état-major.

Dans le cadre de l’insurrection de 1837, nous ne pouvons considérer Grégoire Féré comme un important leader patriote, contrairement à son frère Émery. Il ne semble pas avoir joué un rôle déterminant lors des différentes assemblées réformistes qui se déroulent dans le comté des Deux-Montagnes entre 1834 et 1837. En fait, son nom n’apparaît dans aucun compte-rendu de ces rassemblements publié dans les journaux de l’époque.

Nous savons par contre que Féré participe à une importante réunion à Saint-Eustache. Deux dépositions confirment le tout. Ce sont Isaïe Foisy et Joseph Robillard (fils) qui accusent Grégoire Féré d’avoir assisté à cette réunion qui se tient dans la salle publique du presbytère de Saint-Eustache le 17 novembre 1837 afin d’élire de nouveaux officiers de milice. L’assemblée, présidée par Jean-Olivier Chénier, fait l’élection de William Henry Scott au grade de colonel, Chénier au grade de major et Grégoire Féré (seul absent) à celui de capitaine. À noter que les deux déposants eux-mêmes sont aussi élus à ce grade, tout comme Jean-Baptiste Bélanger, Bertrand et François Guérin, François Malette, Antoine Groulx, Antoine Rochon, Jacques Dubeau, François-Xavier Grignon et d’autres.

C’est peut-être en raison de sa participation à cette réunion importante que Grégoire Féré est considéré comme étant d’allégeance patriote par le docteur Charles Gordon O’Doherty qui réalise un « recensement politique » des habitants de Saint-Eustache en septembre 1839. Il est aussi qualifié de la sorte, ainsi que son frère, par George Phillips, son propre capitaine de milice, qui rédige une liste exhaustive de l’allégeance politique des miliciens de sa compagnie le 7 septembre 1839.

Tout comme son frère Émery, Grégoire Féré, tout en étant un patriote modéré, ne franchit pas la mince ligne qui sépare les pressions dites politiques de la véritable résistance armée. Ainsi, Féré ne participe pas à la bataille de Saint-Eustache. Pour cause, si l’on se fie aux témoignages de son frère Émery, de son épouse Julie Dupras, ainsi que de Paul Brazeau, Grégoire Féré aurait été absent de Saint-Eustache au moment de l’historique bataille du 14 décembre 1837.

Sa résidence étant au cœur même du village, celle-ci est durement affectée par les hommes de Colborne et Globensky à la suite de l’affrontement. En date du 7 février 1846, Grégoire Féré réalise une réclamation de 139 £, 4 sols et 3 deniers à la Commission des Pertes en 1837-1838 « pour des effets pillés et détruits par les troupes et les volontaires ». Les commissaires, jugeant ses pertes à la baisse, ne lui octroient toutefois que 69 £, 2 sols et 6 deniers. Voici quelques-uns des items que Féré réclame au gouvernement : à savoir un lit de plumes, une paillasse, des chemises et des vestes, des mouchoirs de soie, deux chandeliers, deux miroirs, trois rasoirs, une épée, une épingle d’or de guinée, trois boutons d’or, des instruments de chasse (plomb et poudre), une boussole, plusieurs contrats de propriété, deux habits de chasse, un dictionnaire français et un en anglais, une marmite, « un superbe violon avec sa boîte », deux ruches, deux oreillers de crin et une bourrée de laine, une porte à six panneaux avec toutes ces ferrures, deux volets de porte et un châssis vitré, trente minots de pommes de terre, une poêle à frire, « trois paires de gants pour deuil » et une boîte d’acajou pour fusil.

Par la suite, on retrouve le nom de Grégoire Féré sur une « pétition des habitants de Saint-Eustache afin d’avoir l’argent nécessaire pour reconstruire l’église paroissiale » adressée au gouverneur Charles Theophilus Metcalfe en date du 27 novembre 1844.

Puis, lors de la création du premier conseil de ville de la municipalité de Saint-Eustache en 1848, sous la mairie du notaire Frédéric-Eugène Globensky, Féré est l’un des conseillers en compagnie de Louis Dion, William Leclair, Louis Ouimette, Charles Laplante et Donald McNaughton. Féré appose enfin sa signature au bas d’une autre pétition, celle-là des paroissiens de Saint-Eustache afin d’empêcher le départ du curé Hyppolite Moreau en date du 23 novembre 1852.

Grégoire Féré décède à Saint-Eustache le 13 juillet 1859 à l’âge de 66 ans. Il est inhumé en ce lieu trois jours plus tard; sa famille étant propriétaire du lot 2 du cimetière de Saint-Eustache.

Références :

Archives de l’évêché de Saint-Jérôme, Pétition des paroissiens de Saint-Eustache pour empêcher le départ du curé Hyppolite Moreau, 23 novembre 1852.

BAC, Feddocs, Lower Canada Rebellion looses claims 1837-1855, Project no 19-2, RG 19, series E-5-B (R200-113-0-F), volume 5482, no 190 ; volume 3774, no 946 ; volume 3796, no 946, p. 302 ; volume 3796, no 548, p. 737 ; volume 3796, no 2350, p. 680.

BAC, recensement de 1842, County of the Lake of Two-Mountains, St.Eustache Parish, bobine C-728.

BAC, recensement de 1851, County of the Lake of Two-Mountains, St.Eustache Parish.

BAC, RG4, B37, volume I, Documents relatifs à la rébellion de 1837-1838; microfilm H-1735, no 359, examen volontaire de Joseph Robillard (fils), 26 décembre 1837.

BAnQ, « Documents relatifs aux événements de 1837-1838 », Fonds Ministère de la justice, M-165-2, no 719, examen volontaire d’Isaïe Foisy, 29 janvier 1838.

BAnQ, « Documents relatifs aux événements de 1837-1838 », Fonds Ministère de la justice, M-165-2,  no 771, déposition d’Eustache Sabourin contre William Henry Scott, Joseph-Amable Berthelot, Antoine Rochon, Émery Féré, J.-O. Chénier, 29 janvier 1838.

BAnQ, greffe du notaire Joseph Labelle, minute 1250, inventaire des biens de Grégoire Féré, 25 octobre 1859.

BAnQ, Milice et défence, Documents antérieurs à la Confédération, Bureau de l’adjudant général, Bas-Canada, 1776-1850, RG 9, I A 5, volume 16, registre d’officiers, 1831-1846, bobine 8496.

AUBIN, Georges et Nicole Martin-Verenka, Insurrection. Examens volontaires, Tome 1, 1837-1838, Montréal, Lux Éditeur, 2004, 318 p.

BERTRAND, Gilles, Analyse des structures sociales et des groupes dominants dans le village de Saint-Eustache (1850-1880), Mémoire de M. A. (Histoire), Université du Québec à Montréal, août 1977, 108 p.

Cahiers d’histoire des Deux-Montagnes, volume 11, no 1, juin 1989, p. 8-11.

GRIGNON, Claude-Henri, Cahiers d’histoire de Deux-Montagnes, vol. 5, no 3, décembre 1982, 132 p.

LÉPINE, Luc, Les officiers de milice du Bas-Canada, 1812-1815.

PAQUIN, Jacques, « Tableau politique », La Revue des Deux-Montagnes, annoté par Claude-Henri Grignon, no 5, octobre 1996, p. 43-65.

Répertoire des Actes de baptêmes, mariages et sépultures (R.A.B.), P.R.D.H.

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