Gare à celui qui insulte le député de Vaudreuil !

Cette semaine, nous mettons à l’attention de nos lecteur une lettre des plus intéressante que nous avons dénichée dans l’ouvrage d’Aegidius Fauteux, Le duel au Canada. Le 8 janvier 1836, le jeune député de Vaudreuil, Charles-Ovide Perrault, écrit une lettre à son beau-frère, le libraire Édouard-Raymond Fabre, dans laquelle il relate un épisode de règlement de compte qui se déroula à la Chambre d’assemblée du Bas-Canada la même journée à l’égard de Charles-Clément Sabrevois de Bleury, alors député bureaucrate du comté de Richelieu :

Québec, 8 janvier 1836

Entre nous. J’ai eu une querelle avec un membre. Voici les fait, Bleury m’a insulté de lui à moi, mais de manière à être entendu par de quelques membres, – en Chambre, – et pendant que le greffier lisait les journaux. C’était à propos du comité sur la potasse. Bleury voulait faire venir Moffat et McGill devant le comité. Je m’y opposai ; tout cela privément. Lafontaine s’y opposa aussi. Voyant qu’il ne pouvait réussir, il s’est retiré en disant : « Voilà ce que c’est d’avoir affaire à de la crasse. » Il s’en alla s’asseoir à sa place en répétant ces mots. Je parlai de suite à O’Callaghan et Morin : le premier était d’opinion d’en faire rapport à la Chambre ; le second en parla à M. Girouard, et tous deux étaient d’opinion qu’il ne fallait pas en parler à la Chambre. O’Callaghan en parla à M. Papineau qui dit qu’il fallait ou se plaindre à la Chambre ou lui faire sentir hors de la Chambre. J’adoptai ce dernier parti et, en sortant ce soir à 10 heures, je rejoignis Bleury près de la Batterie. Là, je le saisis par le manteau en l’arrachant de ses épaules et lui disant : « Vous m’avez insulté, gare! » De suite de lui faire pleuvoir des coups. Il s’est débattu, a tombé et, en tombant, m’a empoigné la jambe. Les chemins glissants m’ont fait tombé aussi et, pendant que nous étions à terre, nous avons été séparés par Archambault et O’Callaghan. Bleury de se dépiter en disant que ce n’était pas la manière de tirer vengeance. Je fonçais encore sur lui, mais Archambault l’a protégé et Bleury n’était pas pour le coup de poing. Je n’ai pas reçu une égratignure et, si j’en juge par la marque que j’ai sur l’un des doigts, il doit avoir reçu un bon coup sur le visage ; peut-être sur les dents. Je suis certain de lui avoir donné plusieurs coups de poing dans le visage. Quand nous avons été forcés de quitter la bataille, Cherrier est accouru pour savoir ce qui en était. Si Bleury voulait aller plus loin, je verrai M. Papineau et aviserai avec lui. Jusqu’à présent voici ma réponse que je crois bonne :

Je suis la personne insultée et attaquée ; j’avais droit à une réparation et à l’usage des « weapons », j’ai choisi ceux que l’individu méritait. S’il veut d’autre satisfaction, tout ce que je puis promettre, c’est d’ajouter des coups de pied aux coups de poing qui ont été donnés en acompte. Tout cela est entre nous.


Référence :

FAUTEUX, Aegidius, Le duel au Canada, Les éditions du Zodiaque, 1934.

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